Conflit en Ukraine : avancée russe dans l’Est et pressions accrues autour de Pokrovsk

Une progression russe inédite depuis plus d’un an
Selon une analyse de données réalisée par l’AFP à partir des informations de l’Institut pour l’étude de la guerre (ISW) et du Critical Threats Project, les forces russes ont enregistré mardi leur gain territorial le plus important en 24 heures depuis plus de douze mois. Cette dynamique s’inscrit dans une tendance de progression accélérée observée depuis le printemps 2025.
Entre août 2024 et août 2025, l’armée russe aurait conquis plus de 6 100 km², soit quatre fois la superficie prise l’année précédente. Ce total représente environ 1 % de l’Ukraine d’avant-guerre, incluant la Crimée et le Donbass. À ce jour, Moscou exercerait un contrôle total ou partiel sur environ 19 % du territoire ukrainien.
Focalisation sur Pokrovsk et ses environs
D’après une carte produite par la plateforme d’analyse militaire DeepState, une avancée d’environ dix kilomètres des troupes russes est visible au nord-est de Pokrovsk, dans la région de Donetsk. Cette zone, considérée comme stratégique, suscite des inquiétudes parmi les analystes militaires.
L’état-major ukrainien a signalé mardi des combats à Koutcheriv Iar, village situé récemment encore à plusieurs kilomètres de la ligne de front. Le lendemain, le ministère russe de la Défense a annoncé la prise de Nykanorivka et Souvorové, localités situées au sud-ouest de la ville-garnison de Dobropillia.
Des experts partagés sur l’existence d’une percée
Pour l’ancien officier ukrainien Tatarigami_UA, fondateur de Frontelligence Insight, il est prématuré de parler de percée opérationnelle. Il souligne toutefois que les forces russes semblent avoir pénétré un point faible des défenses ukrainiennes, étape susceptible de mener à une rupture plus large si la brèche est élargie et exploitée. L’expert évoque un groupement russe d’environ 100 000 hommes face à Pokrovsk, ce qui, selon lui, accroît le risque d’escalade locale.
L’analyste militaire Michael Kofman, de la Fondation Carnegie, estime également qu’aucune percée avérée n’est constatée pour l’instant, mais considère le scénario plausible. Il met en garde contre un possible repli accéléré de certaines positions ukrainiennes et souligne le risque pour les villes de Druzhkivka, Kramatorsk et Sloviansk.
Offensive d’été et risques d’encerclement
Les avancées récentes s’inscrivent dans une offensive estivale marquée par des gains lents mais continus, selon un reportage de CNN. Des drones russes atteignent désormais des localités auparavant considérées comme relativement sûres, comme Dobropillia.
Des militaires ukrainiens, cités anonymement, expriment leurs préoccupations face à un risque d’encerclement de Pokrovsk, Kostiantynivka et Koupiansk. La perte de ces villes fragiliserait considérablement la défense de la région de Donetsk et pourrait libérer des forces russes pour de nouvelles offensives vers l’ouest.
Défis dans la chaîne de commandement ukrainienne
D’après Michael Kofman, certaines difficultés rencontrées par l’armée ukrainienne dans le secteur de Dobropillia seraient liées à un manque de cohérence dans les lignes défensives et à un déficit chronique d’effectifs. Il critique également une stratégie qui consisterait à maintenir coûte que coûte des positions parfois désavantageuses, au risque d’accroître les pertes.
Une enquête du Wall Street Journal rapporte des témoignages de soldats ukrainiens décrivant un mode de commandement jugé rigide et centralisé, inspiré de l’époque soviétique, limitant l’initiative locale. Les critiques portent notamment sur le général Oleksandr Syrsky, accusé par certains militaires d’avoir renforcé ce mode de fonctionnement depuis sa nomination à la tête de l’armée en 2024.
Une fenêtre d’opportunité pour Moscou ?
Tatarigami_UA estime que la Russie pourrait approcher du pic de ses capacités offensives actuelles, en particulier autour de Pokrovsk. La rencontre prévue entre Vladimir Poutine et Donald Trump le 15 août pourrait, selon lui, inciter Moscou à maximiser ses gains territoriaux afin de peser sur d’éventuelles discussions diplomatiques.
Les prochains jours permettront de déterminer si cette poussée marque le début d’une intensification durable de l’offensive ou si les forces russes atteignent déjà les limites de leur potentiel militaire dans ce secteur du front.